La gestion de patrimoine canadienne en retard sur les tendances mondiales en matière de numérisation

La gestion de patrimoine canadienne en retard sur les tendances mondiales en matière de numérisation

En 2017, la Banque du Canada a conclu que la finance faisait partie du groupe d'industries les moins susceptibles d'être automatisées en raison du besoin de compétences sociales, de créativité, de persuasion et plus encore. Parallèlement, la même année, le Global Finance Magazine honorait plus de 20 institutions financières pour avoir créé des solutions numériques exceptionnelles qui offrent à leurs clients des expériences numériques exceptionnelles.

Le secteur financier n'a jamais été réputé pour son dynamisme, mais les 20 dernières années ont remis en question les modèles d'entreprise traditionnels. Pourtant, l'adoption à l'échelle internationale a été inégale. La pandémie a mis un défibrillateur sur le cœur de la transformation numérique dans le secteur financier. S'appuyer sur des processus manuels, en personne et sur papier n'est plus une option. Comme l'a déclaré le directeur d'une institution de banque privée basée au Royaume-Uni, "les clients de demain n'accepteront tout simplement pas de travailler avec un fournisseur de services de gestion de patrimoine qui ne dispose pas des meilleures capacités numériques pour leur permettre d'accéder à ce dont ils ont besoin à tout moment". La plupart des Canadiens qui travaillent dans le secteur des services financiers ne contesteraient pas ce sentiment, mais ils ne relèvent pas le défi de la transformation au même rythme que le reste du monde. Le Canada est à la traîne en ce qui concerne la numérisation de la gestion de patrimoine.

La numérisation prend son essor à l'échelle mondiale

À l'échelle mondiale, les tendances en matière de gestion de patrimoine numérique prennent de l'ampleur. Les investissements dans les technologies financières ont dépassé les 100 milliards de dollars au cours de la dernière décennie. Les tendances fintech les plus courantes en matière de numérisation ont été les robo-conseillers et les applications de gestion de patrimoine. Pour compléter cette liste, le Boston Consulting Group (BCG) a documenté tous les aspects, de l'augmentation des analyses d'apprentissage automatique aux bibliothèques numérisées de composants de produits, et même aux mesures intelligentes qui sont en contact avec les clients, comme l'impact de leur investissement. Nombre de ces avancées aident les dirigeants d'institutions et d'entreprises financières à protéger leurs résultats. Si ces tendances sont encourageantes pour l'avenir, au niveau mondial, les chefs d'entreprise n'en sont encore qu'aux premiers stades de l'adoption des plateformes technologiques qui pourraient leur permettre d'étendre leurs activités :

Image du haut d'un tableau montrant des recherches sur les priorités d'un PDG
L'image d'une "plate-forme technologique" faisant partie des priorités d'un PDG

Les disparités dans l'adoption des technologies sont visibles sur le marché mondial, l'Asie dépassant l'Amérique du Nord. Pourtant, c'est en Amérique du Nord que l'on trouve le plus grand nombre de millionnaires au monde et la plus grande concentration de personnes fortunées. Cependant, la plupart d'entre eux ne bénéficient pas de solutions de technologie numérique haut de gamme. Selon le BCG, le secteur de la gestion de patrimoine "devra garder un œil sur les grandes technologies, en particulier en Asie, où les clients sont déjà plus familiarisés avec les technologies numériques qu'en Occident".

Aux États-Unis, l'adoption de la technologie n'a pas été un franc succès, selon une récente étude de JD Power portant sur plus de 3 262 conseillers financiers salariés et indépendants. Selon cette étude, moins de la moitié des personnes interrogées jugent la technologie de leur entreprise "très utile" et moins d'un cinquième d'entre elles utilisent un système intégré.

L'Amérique du Nord semble être plus lente que l'Asie à adopter les technologies de gestion de patrimoine, et les États-Unis n'y sont certainement pas étrangers ; toutefois, le Canada est bien connu pour sa lenteur dans l'adoption des technologies.

Le Canada a du mal à suivre

Depuis des années, le Canada est à la traîne par rapport au reste du monde en ce qui concerne les progrès technologiques en matière de gestion de patrimoine, mais cette tendance n'est pas isolée du secteur financier. En fait, l'adoption des technologies est un problème horizontal dans les principaux secteurs économiques du Canada. En 2018, près de 80 % des entreprises de vente au détail au Canada n'avaient pas de stratégie en matière d'innovation technologique.

La BDC affirme que le Canada prend du retard parce que les entreprises "n'investissent pas assez dans les technologies numériques". L'Institut de recherche en politiques publiques est arrivé à la même conclusion, expliquant que les secteurs d'activité du Canada peinent à répondre aux bouleversements technologiques.

Selon Innovation, Sciences et Développement économique Canada, l'adoption et l'investissement technologiques au Canada sont en retard par rapport à d'autres pays en raison des considérations géographiques propres au Canada, mais aussi par souci de sécurité et de protection de la vie privée. Le ministère affirme qu'il est dans les valeurs des Canadiens d'agir avec prudence lorsqu'il s'agit de technologie. Depuis que le ministère a publié ces conclusions en 2016, il a publié une "Charte numérique" pour aider à guider les décideurs politiques et les régulateurs vers une économie numérique.

Image des 10 principes de la charte numérique du Canada

Source

Ces principes de l'économie numérique sont soutenus par de nouvelles lois canadiennes sur la protection de la vie privée, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE). Les experts en finance doutent de la capacité du gouvernement à faire appliquer les principes qu'il met en avant, comme la dépersonnalisation. Le directeur général de Refinitiv, fournisseur mondial de données et d'infrastructures pour les marchés financiers, déclare que "le Canada a pris du retard par rapport à l'UE, au Royaume-Uni et aux États-Unis en ce qui concerne la réglementation des produits et services numérisés" et que "l'industrie canadienne des services financiers est l'exemple même d'un dilemme national".

Capco, société internationale de conseil en technologie et en gestion dédiée au secteur des services financiers, analyse l'état actuel des processus de gestion de patrimoine au Canada :

  • Les formulaires sont remplis manuellement
  • Si des documents signés électroniquement sont disponibles, ils ne le sont pas dans un système centralisé et il n'est donc pas possible d'assurer un suivi de bout en bout.
  • Les équipes opérationnelles doivent saisir manuellement les données dans un autre système
  • En l'absence de règles de validation, des contrôles manuels des données sont nécessaires
  • L'absence de systèmes centralisés nécessite des correctifs entre les systèmes de front, middle et back-office, ce qui entraîne des opérations inefficaces et plus coûteuses.

Le secteur financier canadien n'a pas été en mesure d'adopter la technologie à la même vitesse que les marchés mondiaux, et les conséquences de ce retard deviennent de plus en plus évidentes.

Implications d'une infrastructure numérique immature

Le coronavirus propulse de nouvelles vagues d'automatisation dans tous les secteurs, et pas seulement dans celui de la finance. La pandémie a non seulement mis en évidence la nécessité d'une transformation numérique, mais elle a également accéléré les voies d'investissement alternatives, ce qui met la pression sur les institutions financières. Le PDG et fondateur du groupe deVere, une société mondiale de conseil financier, déclare: "Le coronavirus va encore perturber le secteur bancaire au sens large. Il agira comme un autre catalyseur pour que les gens cherchent des alternatives fintech pour accéder, gérer, utiliser, épargner et investir leur argent à travers le monde".

L'OCRCVM transmet ce message aux gestionnaires de patrimoine canadiens. Dans une interview accordée à Bloomberg, le président de l'OCRCVM a expliqué que plus de 60 % des investisseurs du millénaire souhaitaient obtenir des conseils financiers par le biais d'outils numériques et que "les fournisseurs ne devraient pas sous-estimer l'aisance de leurs clients et leur désir d'engagement numérique, quel que soit leur niveau de richesse". Ernst and Young prévient que les gestionnaires de patrimoine canadiens ne sont pas à l'abri des changements de comportement des consommateurs. En fait, ils estiment que jusqu'à 44 % des Canadiens prévoient de changer de fournisseur de services de gestion de patrimoine, et les entreprises devraient tirer parti de la technologie à leur disposition pour faciliter la confiance avec leurs clients.

Des leaders financiers tournés vers l'avenir

Bien que les changements aient été lents, un nombre croissant d'entreprises fintech au Canada relèvent le défi de sauver le secteur financier canadien de l'âge des ténèbres. Les gestionnaires de patrimoine prennent eux aussi des mesures dès maintenant. L'enquête 2020 de RBC a révélé que l'automatisation des processus manuels est la principale priorité technologique des gestionnaires de patrimoine et d'actifs canadiens. De même, Deloitte a révélé que l'accueil des clients est la première priorité technologique des gestionnaires de patrimoine canadiens et que les équipes à distance continueront d'être une réalité après la pandémie. La vision du gouvernement commence également à prendre forme avec la nouvelle initiative de banque ouverte du Canada, qui vise à uniformiser les règles du jeu en matière de technologie. Il semble que le secteur canadien de la gestion de patrimoine commence à prendre conscience des opportunités florissantes offertes par la fintech, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour rattraper le reste du monde.

Crédits d'image

Image d'illustration : Unsplash/Brxxto

Technologie et efficacité dans la gestion de patrimoine

Voir l'infographie complète

À la recherche de l'efficacité :

La technologie au service de la dématérialisation des processus de gestion de patrimoine

Télécharger le livre électronique complet